Origine et Histoire

La Légende de l'algue bleue

Paul Eluard, écrit en 1929, la Terre est bleue. Yuri Gagarine, le premier homme à voir la Terre de l’espace, confirme qu’elle est bien bleue. Ce que ni le poète, ni l’astronaute ne savaient, c’est qu’une petite algue bleue microscopique, premier organisme vivant sur terre, lui donne sa couleur.

A partir des particules de lumière, elles transforment le gaz carbonique en matière organique et en dégagent l’oxygène. Son apparition a permis, par ce processus de photosynthèse, de transformer l’atmosphère irrespirable en un environnement viable pour les organismes utilisant de l’oxygène.  Actuellement, on considère que 90% de l’oxygène terrestre (environ 330 milliards de tonnes) provient des algues.

Origine et Histoire

Une petite algue bleue apparue il y a 3,5 milliards d’années, communément appelée micro-algue, la spiruline est en réalité une cyanobactérie qui a contribué avec d’autres cyanobactéries à la production d’oxygène dans l’atmosphère puisque sa particularité est de faire la photosynthèse. Elle est donc à l’origine de la vie.

La spiruline se développe à l’état naturel dans des lacs salés et alcalins situés sur la ceinture tropicale, au beau milieu du désert (lac Katam, Tchad ou Turkana, Kenya), un ancien cratère volcanique (lac Lonar, Inde) ou encore dans des lagunes (lac Texcoco, Mexique ou Paracas, Perou).

Lac Turkana (Kenya)
L'Oasis de Huacachina (Pérou)

Dans ces milieux naturels vit un oiseau : le flamant rose nain, qui se nourrit principalement de spiruline en filtrant l’eau. En retour, ses excréments fertilisent l’eau en y apportant la source d’azote nécessaire à la survie de la spiruline. De plus, le flamant rose transporte la spiruline emprisonnée dans son plumage, son bec ou ses pattes, sur des distances pouvant atteindre plusieurs milliers de kilomètres lors des migrations. C’est ainsi que nous retrouvons la spiruline à l’état naturel dans différents endroits du Monde et plus récemment en France en Camargue.

Flamant rose nain
Flamant rose nain

A mi-chemin entre le monde végétal et le monde animal, elle est le plus ancien aliment du monde.  Cette micro algue se présente sous forme de filaments constitués de cellules juxtaposées. Deux grandes souches ont été identifiées :

  •  Une souche spiralée comme la souche Lonar (Figure 1), issue d’Inde, elle est plus petite et présente un faible intervalle entre les spires.
  • Une souche ondulée comme la souche Paracas (Figure 2), issue du Pérou, présente un plus grand intervalle entre les spires (souche cultivée par le Moulin de Conné).

La reproduction de la Spiruline asexuée, s’effectue par division des filaments (division cellulaire).

Différentes souches de Spiruline

Chronologie de sa découverte

Années 1500, Spiruline chez les Aztèques, Toltecs et Mayas : Premiers ouvrage

La spiruline a été consommée par l’homme bien avant le XXème siècle. 

Née il y a plus de trois milliards d’années, elle a probablement servi d’aliment dès la Préhistoire, et l’on sait que les Mayas et les Aztèques s’en nourrissaient. La chronique des expéditions d’Hernan Cortez en Amérique mentionne notamment la manière dont les habitants de Tenochtitlan (Mexico) puisaient dans le lac Texcoco une sorte d’algue qu’ils nomment Tecuitlatl.

La conquête de Mexico : 1er ouvrage décrivant la Spiruline.

Après le retour de Cortès en Espagne peu après 1500, son secrétaire Francisco Lopez de Gomora à écrit son ouvrage “La conquête de Mexico”. 

Dans cet ouvrage, il décrit les aliments qui ont intrigués les espagnols. Les chroniques de l’époque citent une certaine substance bleu-vert que les Aztèques appelés Tecuitlatl. 

Le Tecuitlatl est un limon, sorte de purée considérée comme un minéral, une terre après qu’on l’ait séché et broyé. Pourtant, cette terre, ce limon est une nourriture pour les gens. Gomora explique que les paysans mangent une sorte de terre; car à l’aide de filets à mailles très fines, ils récoltent à une certaine période de l’année, une espèce de purée qui se propage sur l’eau de la lagune de Mexico, et qui se prend en masse, et qui n’est ni une herbe, ni vraiment une terre mais une sorte de boue.

Ils la moulent au sol, comme on fait du sel. Elle s’épaissit et sèche. Ils en font des gâteaux semblables à des galettes qu’ils vendent non seulement sur le marché local, mais aussi loin de la cité. Ce produit se consomme comme le fromage. Il a une saveur salée qui est agréable : le Tecuitlatl.

On dit que c’est à cause de ce produit qu’il vient tant d’oiseaux sur la lagune.

Gomara ne le savait pas mais il fut l’un des premiers à décrire la spiruline. Et cette boue qu’il décrivait était bien sûr la fameuse algue bleue.

Carte ancienne de Mexico dans une baie de la lagune
Logo Aztèque

Le Saviez-Vous ?

Selon la légende, l’empereur Moctezuma adorait le poisson. Son palais se situant à 300 km du Golfe du Mexique et 2000m d’altitude, il engage des « coureurs de poissons » qui avaient pour mission de lui rapporter du poisson frais. L’activité physique de ces « coureurs de poissons » était très intense. Ils se relayaient de la mer jusqu’au palais dans des conditions climatiques rudes. Afin de maintenir leurs performances et les cadences exigées, ces athlètes consomment la spiruline avec de l’eau pour se donner de l’énergie et de l’endurance.

 

Si les Aztèques sont connus comme étant très friands de Tecuitlatl, ce sont les Incas qui sont les premiers à cultiver les algues alimentaires, origine de la spiruline, dans leurs réseaux de canaux navigables.

Malheureusement, l’arrivée des conquistadores espagnols qui en restreignirent sévèrement la consommation, aussi préfèreront-ils assécher les lacs pour faire pousser des céréales. L’habitude de récolter le « fromage de terre », comme l’appelaient aussi les Aztèques, disparaissait donc avec leur brillante civilisation.

 

Le Secret des Kanembous : premières recherches scientifiques

Le Peuple Kanembou au bord du Lac Tchad
Le séchage dans le sable de la Spiruline

Pendant quatre siècles, nous avons perdu connaissance de l’existence de cette manne. Ainsi, les Aztèques et, selon toute probabilité, les Toltèques avant eux récoltaient la spiruline, exactement comme les Kanembous du lac Tchad pour se nourrir.

Pour autant, « l’algue bleue » ne disparaît pas de la surface du globe. Plusieurs naturalistes la remarquent par hasard au cours du XIXème siècle, ce qui lui vaut de figurer en 1827 dans un Dictionnaire des sciences naturelles publié à Paris, et de se voir baptisée Spirulina platensis.

La spiruline longtemps considérée comme une algue bleue (cyanophycée) est en réalité une cyanobactérie décrite pour la première fois par Wittrock et Nordsted en1844 sous le nom de Spirulina jenneri platensis Nordsted.

En 1852, le botaniste Stizenberger publie le premier rapport taxonomique, qui lui donne le nom d’Arthrospira en raison de sa forme en hélice et de sa structure multicellulaire.

Ce même botaniste observe que les enfants Kanembous ne souffrent pas de malnutrition. Mais cette découverte ne passionne guère le monde scientifique, et il faudra attendre les années 1930 pour que la spiruline fasse à nouveau parler d’elle.

 

En 1931, un scientifique du nom de Rich F. remarque non seulement la présence de spiruline dans plusieurs lacs de la Vallée du Rif, en Afrique de l’Est, mais aussi que les flamants roses s’en nourrissent.

En 1939, un pharmacien de Bordeaux, le professeur Creac’h, exerçant à Fort-Lamy (aujourd’hui N’Djamena) a trouvé des galettes de spiruline séchée sur un marché de Massakong (Tchad) appelée dihé par les habitants de la région du lac Tchad, les Kanembous.

 

Le pharmacien en envoie un morceau à un collègue phycologue, Dangeard, qui découvre qu’il s’agit d’Arthrospira platensis. Dangeard fait l’année suivante un exposé à la Société Linnéenne de Bordeaux pour expliquer que contrairement à ce que l’on pensait, la spiruline n’est pas mangée uniquement par les flamants roses, mais aussi par les humains. Une révélation qui passe un peu inaperçue en ce début de la Seconde Guerre mondiale…

 

C’est donc seulement dans les années 50 et 60 que la spiruline va être mise en pleine lumière. En 1959, l’ethnologue Max-Yves Brandily se rend à son tour au Tchad pour y tourner un documentaire. 

Intrigués par le dihé, les scientifiques observent la manière dont les Kanembous récoltent sur les bords du lac Tchad une substance qui se révèle être de la spiruline. Ils comprennent alors que c’est grâce à cet aliment que ce peuple est le seul de la région à ne pas souffrir de malnutrition, malgré un environnement désertique. Après avoir puisé la spiruline dans des paniers finement tressés, les femmes Kanembous la mettent à sécher sur le sable, avant d’en confectionner des galettes. Une coutume pratiquée sans doute depuis des siècles, et qui ressemble beaucoup à la manière dont les Aztèques récoltaient le Tecuitlatl.

La Spiruline ou Dihé au bord du Lac Tchad
Fabrication de galettes de Spiruline (Dihé)

Frappé par les bienfaits manifestes de la consommation de spiruline par les Kanembous, il publie à son retour un article dans la revue Sciences et Avenir, écrivant notamment : «Depuis des lustres, une tribu primitive du Tchad exploite la nourriture de l’an 2000 ». 

Après quoi c’est une expédition belge, menée par Jean Léonard, qui arrive à Fort-Lamy en 1964 et qui confia un échantillon de galette verte séchée acquise dans un marché à P. Compère, un autre botaniste, lequel identifia la substance en question comme Spirulina platensis.

 

Au moment où les scientifiques belges étudient le dihé au Tchad, l’industriel français Hubert Durand-Chastel arrive au Mexique pour prendre la tête de la Sosa Texcoco, une firme qui produit du carbonate de soude au bord du lac Texcoco. Découvrant qu’une algue mystérieuse perturbe le procédé d’extraction en se déposant dans les tuyaux, providentiellement, le biologiste chargé de résoudre le problème connaissait les travaux de P. Compère sur la nourriture verte des Kanembous du Tchad. Il fit donc le rapprochement entre l’algue africaine et le microorganisme intempestif qui lui était soumis.

Durand-Chastel se rend compte qu’il s’agit de spiruline, la Spirulina geitleri, variété proche de la Spirulina platensis, restée vivante dans ce qui subsiste encore à l’époque du lac des Aztèques (aujourd’hui asséché). Changeant son fusil d’épaule, Durand-Chastel décidera en 1976 de cultiver cette algue « parasite », au lieu de la détruire comme il l’avait fait jusque-là, faisant ainsi de la Sosa Texcoco la pionnière de la culture de spiruline. Il ne tardera pas à être suivi par d’autres industriels, en Californie, au Japon, et à Hawaï, car la spiruline répond parfaitement aux besoins créés à l’époque par l’essor du végétarisme dans les pays industrialisés.



1960 - 1970 : Les Travaux de Ripley Fox

L’histoire de la spiruline continue avec les travaux du scientifique américain Ripley Fox qui se passionne pour la spiruline et sa richesse nutritive. Persuadé que ce micro-organisme est à même de résoudre le problème de la faim dans le monde, il met sur pied une petite structure de production en Inde, dès 1973.

 

A l’opposé de la culture industrielle, le but de Ripley Fox est de permettre à toutes les communautés souffrant de malnutrition de cultiver elles-mêmes leur spiruline, grâce à des procédés très simples. Une vision qui semble d’abord utopique, mais qui va peu à peu trouver des échos dans les revues scientifiques et les colloques internationaux. Les Nations Unies désignent même la spiruline comme la « meilleure source alimentaire alternative du futur » lors de la Conférence Mondiale de l’Alimentation en 1974.

 

De son laboratoire de la Roquette en Hérault il publie  « Spiruline : techniques, pratiques et promesses », 1999, éditions Edisud



Présentation des travaux de Ripley Fox

1980 - 2000 : Culture paysanne de la Spiruline en France - Le Manuel de Jean Paul Jourdan

Vient ensuite Jean-Paul Jourdan, Diplomé du M.I.T., il a fait sa carrière dans l’industrie chimique avant de consacrer sa retraite dans le sud de la France au développement de la spiruline en faveur des enfants du Tiers – Monde. Après avoir été “élève spiruline” auprès de Ripley D. Fox et de Francisco Ayala, il est membre de Technap et il a collaboré activement avec Antenna Technologie et plusieurs autres O.N.G. dans le domaine de la spiruline. Il expérimente la culture artisanale et publie le « Manuel de culture artisanale » qui fait référence dans les exploitations et instituts de recherche du monde entier depuis plus de 20 ans.

Jean Paul et Danièle Jourdan, Sahara Algérien en 2004

1987 : Le Projet Melissa : Écosystème circulaire

L’écosystème artificiel MELISSA (acronyme pour Micro-Ecological Life Support System Alternative a été conçu comme un outil d’étude et de développement des technologies pour de futurs systèmes de soutien de vie bio régénératifs (BLSS) pour des mission de longue durée (Lune, Mars,…).

Ce projet de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) initié en 1989 implique maintenant une dizaine d’équipes dans toute l’Europe ainsi qu’au Canada. MELiSSA est un ensemble de 5 compartiments biologiques développés sur le principe d’un écosystème lacustre, chacun ayant un rôle bien précis : l’ensemble de la boucle (chaîne) qu’il forme doit permettre de renouveler les éléments vitaux pour l’homme (nourriture, eau potable et oxygène) à partir de déchets (excrément, autres plantes…) et le CO2 produit par celui-ci

Les plantes sont soigneusement choisies pour leurs vertues. Par son profil nutritionnel, la spiruline a été retenue par les scientifiques de la NASA et de l’ESA comme aliment alternatif des astronautes qui iront sur Mars. 

Elle a l’avantage d’être un super aliment riche en vitamines et de dégager beaucoup d’oxygène par photosynthèse en dégradant le dioxyde de carbone émis par les astronautes. Elle fait partie des 9 aliments que Christophe Lasseur, coordinateur support-vie biologique à l’ESA envisage d’utiliser dans le cadre des missions habitées de longue durée.

Le Projet Melissa, Culture de la Spiruline dans l'espace

2009 : Le développement des fermes aquacoles en France et la naissance de la Fédération des Spiruliniers de France

En 2009, les producteurs français de spiruline se sont réunis au sein d’une fédération nationale, la FSF (Fédération des Spiruliniers de France) dont le Moulin fait parti. Cette dernière a pour objectif de structurer et de professionnaliser la filière. Pour cela, la FSF a mis en place un plan d’actions visant à créer une filière représentative au niveau national, et les conditions d’accompagnement de la profession par une démarche qualitative.

Rencontre des Spiruliniers de la Féderation 2021